L’histoire commence au début 2009 : dans la même semaine, je lis deux articles sur Cécile Bertin (Barbie) qui vient de boucler 7 marathons en 80 jours sur 7 continents, et le livre de Philippe Paillaud, « Le marathour du monde » : décision immédiate, je serai moi aussi membre du fameux « Seven Continents Club » ! Club des marathoniens ayant couru un marathon sur chacun des 7 continents. (www.sevencontinentsclub.com ). A l’époque, j’avais couru une douzaine de marathons en Europe et aux Etats-Unis.
L’Afrique (Marrakech), l’Amérique du Sud (Rio), l’Asie (Dubaî) et l’Océanie (Alice Spring) suivront entre 2009 et 2011. La vraie difficulté, c’est l’Antarctique : c’est loin, cher et seules deux agences organisent un marathon là-bas.
Mon choix se porte, après une étude approfondie, sur le marathon de King George Island, en péninsule Antarctique, organisée par Marathon Tours, célèbre agence spécialisée de boston, dirigée par le charismatique Thom Gilligan (www.marathontour.com). Après avoir contacté Thom par email, je découvre que le voyage est « sold out » 3 ans à l’avance ! Ce n’est pas plus mal, je ferai les autres continents entre temps ; j’ai en effet le souhait que l’Antarctique soit le dernier des 7 continents. En avril 2009, je sais alors que, en mars 2012, je serai là-bas.
3 ans plus tard : 2 Mars 2012, me voici à Roissy, direction Buenos Aires. Je dois y retrouver le groupe de Marathon Tours (soit 100 coureurs environ) et Daniel Lacaze, seul autre français engagé dans la course. Si nous finissons le marathon, Daniel et moi seront alors les 5ème et 6ème Français à intégrer le Seven Continents Club.
Un week-end de visite à Buenos Aires puis départ pour Ushuaia, « El fin del mundo », bourgade située en Terre de Feu au bord du Canal de Beagle. J’y suis déjà allé trois fois et ce lieu me procure des plaisirs intenses, tant visuels qu’émotionnels (lisez Jean Raspail : « Adios, Tierra del Fuego », vous comprendrez…).
Nous embarquons alors sur le bateau Akademik Ioffe : 3 jours de traversée plein sud pour franchir le fameux Drake passage afin de rejoindre le continent Antarctique. Le « Drake », c’est des vagues, de la forte houle et des dépressions garantis….
A bord, le groupe prend ses marques : 110 personnes, 15 nationalités ; beaucoup d’américains et d’australiens, des africains du sud… peu d’européens, un pakistanais, deux japonais… Je voudrais vous parler de quelques uns aux personnalités si attachantes : Wendelin Lauxen, allemand qui vient de boucler les 7 marathons des 7 continents en 27 jours (wendelinlauxen.com/en/index.html) ou les deux japonais Yasuhi Kokubu et Kuniyoski Kawai, respectivement 300 et 500 marathons (si, si) chacun… Ou encore Ziyad Rahim, pakistanais, qui vient de repartir pour le MDS (l’équipe des Etoiles au MDS, c’est pour 2013 !).
Après une traversée somme toute assez calme, nous arrivons en Antarctique, sur l’ile du roi Georges, lieu de la course qui aura lieu le vendredi 9 mars. Sur cette île, se sont installées de nombreuses bases scientifiques : russe, chinoise, argentine, uruguayenne… En effet depuis le traité de l’Antarctique, signé en 1959, l’Antarctique est un lieu totalement protégé exclusivement consacré à la recherche scientifique. Le marathon se passe sur une « piste » entre les différentes bases scientifiques.
L’équipe de Thom débarque le jeudi 8 mars pour préparer le parcours. La course a lieu le lendemain
matin. Les conditions meteo annoncées sont loin d’être top : froid raisonnable -2°/-3° mais vent fors (50 km/h) et neige sont au programme. Le froid « ressenti » devrait être de l’ordre de -10°. Vu le temps que j’ai eu à Paris en février pour m’entraîner, je suis habitué….
D Day ! Départ en zodiac ( !) pour débarquer sur l’ile : pas de vestiaire, juste un lieu austère, de la terre, de la boue : à cause du réchauffement climatique (le trou de la couche d’ozone est depuis 3 ans pile au dessus de l’Antarctique !), les glaciers reculent à une vitesse incroyable et cette partie de la péninsule est « à nu » en été.
Je porterai le dossard 88, fixé sur le (respecté) maillot des Etoiles du 8 !
Départ à 8 h 30 : j’ai le cœur serré et un peu de stress. Quelques soient les conditions, je veux finir. Et en profiter. Alors, je le ferai allure footing ce marathon ; ça tombe bien, parque qu’avec ce vent d’enfer, la neige et les collines qui s’enchainent sans cesse (sacré Thom : il avait « oublié » de nous parler du dénivelé…), l’heure n’est clairement pas au PR !
A terre, pas de vestiaire, on se change par -5° degrés, ça promet….
Le parcours consiste en une boucle que nous devons parcourir 3 fois ; en autonomie d’eau et de ravitaillement. Très vite, on se retrouve seul, dans ce paysage de bout du monde. On croise des coureurs (boucles oblige), on en double parfois (pas souvent pour ce qui me concerne…) ; on s’échange quelques mots : allright ? allright ! Ce n’est pas l’ambiance de Paris ou de Berlin…. Quelques scientifiques viennent nous encourager : un chinois, dont je ne comprends pas un mot de ce qu’il me raconte me suivra ainsi pendant 3 kilomètres !
Thom, sur son quad, parcoure la piste pour prendre des nouvelles des uns et des autres. Je ferai une bonne partie de la course avec Brooke Curran, la future vainqueur. Elle me « déposera » sans aucune difficulté au 35ème km. Vu le vent qui se lève et est souvent de face, vu les collines qui se suivent à répétition, je ferais les dernières montées en marchant : mais même en marchant, j’ai parfois du mal à avancer quand des rafales de vent glacial vous attaquent de front.
Le marquage est en mile : je n’ai pas tout mes repères et n’ai pas pris de montre GPS ; pas envie de me mettre la pression.
4 h 54. Ca y est, je vois la banderole d’arrivée. 4 h 54. 15ème. Pas trop fatigué, je me suis (trop ?) économisé. Terence Bell, un australien de 32 ans, le vainqueur a mis 3 h 07. La médaille, donnée dès la ligne franchie, est top, et celle-là je suis fier et heureux de la porter ! Retour au bateau en zodiac. Douche bouillante, je suis congelé….
Puis le bar, bière sur bière à refaire la course : tous les marathoniens du monde, de ce point de vue là, se ressemblent !
Voyage : le reste du voyage ne sera qu’enchantement. Le stress de la course est évacué. Nous aurons 4 jours de croisière magnifiques : temps superbe, paysage inouïs, baleines, pingouins, phoques…. Kayack entre les icebergs, grimpettes sur les collines enneigées pour admirer des points de vue à vous couper le souffle.
Le climax sera le Pinguin Plundge à Neko harbour : bain dans l’eau à 0° degrés ! 18 secondes dans l’eau, tête comprise, entre les glaçons… Faut pas mourir idiot !
Olivier